[ Resonances of an Affective Field ]

y2o mouvement no 7 unlink / © dominique t skoltz

 

by Bernard Schütze

traduit par Geneviève Letarte

 

Upon leaving Dominique Skoltz’s multidisciplinary exhibition Dualités, shown in 2015-2016 at the Arsenal in Montreal, I focused my mind on the still fresh sense experience and came to the realisation that what I had just witnessed succeeded in capturing an affective dimension that all too often escapes expression in the visual arts. Indeed, rather than just visually representing the various phases of an amorous bond, the many intertwined works of Dualités allowed the affective dimension to be fully sensed above and beyond what can be seen or observed. Moreover, in positioning the viewer’s body a particular way and directly appealing to a range of senses, the exhibition proposition gave an immediate presence to affect, understood here in Spinoza’s sense as a body’s “capacity to affect and to be affected.” Of particular interest is the way in a series of sculpture, photography, audio and installation pieces resonate with the exhibition’s central video piece y2o to trigger the emergence of an affective field in which viewers are immersed at all times. A brief overview of this latter piece is an order here, so as to better grasp how it unfolds an affective space-time that is extended and amplified by way of the other works, which are either directly or obliquely derived from it.

En quittant l’exposition multidisciplinaire Dualités de Dominique Skoltz, présentée en 2015-2016 à la galerie l’Arsenal à Montréal, je me suis concentré sur cette expérience sensorielle encore fraîche, et j’ai compris que ce que je venais de voir réussissait à saisir une dimension affective trop rarement exprimée dans le domaine des arts visuels. En effet, plutôt que de simplement représenter visuellement les différentes phases d’un lien amoureux, les multiples œuvres interreliées de Dualités permettaient d’en ressentir la dimension affective, au-delà de ce qu’il était possible de voir ou d’observer. De plus, en invitant le corps du spectateur à se positionner d’une manière particulière et en faisant directement appel à toute une gamme de sensations, l’exposition accordait une place immédiate à l’affect, compris ici au sens de Spinoza, c’est-à-dire « la capacité [d’un corps] à affecter et à être affecté ». Particulièrement intéressante m’est apparue la façon dont les composantes d’une série mêlant sculpture, photographie, son et installation entrent en résonance avec la vidéo centrale de l’exposition, intitulée y2o, provoquant ainsi l’éclosion d’un champ affectif dans lequel les spectateurs sont en tout temps immergés. Un bref aperçu de cette œuvre s’impose ici, afin de mieux comprendre de quelle manière l’espace-temps affectif qu’elle déploie se prolonge et s’amplifie par l’entremise des autres œuvres qui, de manière plus ou moins directe, en découlent.

 

y2o huis clos, 2015

Installation vidéo avec acier, acrylique, ordinateur et moniteur
162.5 x 106.7 x 32.4 cm (64” x 42 ½” x 12 ¾”)
2h 53 min 18 sec.
Edition 1/2
Collection Majudia

© dominique t skoltz

 

[ Unfolding ]
This video installation in nine movements displayed on an equal number of adjacent screens, explores the intricacies of the amorous affect through the dance of two bodies in a water-filled tank with varying backdrops. In choreographically displaying the amorous relationship from the intoxicating physicality of the beginning to the comforting emergence of ties, the wearing away of trust, miscommunication and finally to silence and dissolution at the end, y2o touches at once on the joys and vicissitudes of a relationship that runs its course over time. In choosing to choreograph the dance in water, the artist metaphorically evokes affect as a fluctuating and immersive state that is modulated and defined by the bodily gestures and displacements in and through it. The liquid environment thus brings a situation to view that arises from the resonances across and between the bodies in a space that alternately binds and divides them. In other words, affect is not so much something that is in the protagonists, it is they who are enveloped in it, just as they are submerged in the water. It is the combination of this water-space and the bodies’ movements that constitutes the affective field; and tellingly, the binding water is precisely what is drained away in the video installation’s final movement titled [empty] in a sequence that signals the relationship’s dissolution and a return of each to an individual, solitary sphere. In tracing the inflections of this couple’s changing fortunes, the work also underlines how an amorous entity can be torn apart and cast back into mutual isolation and separation as the unifying affective field loses its consistency. To create the series of other works that make up Dualités,  Dominique Skoltz drew on the wealth of tones rhythms and intensities mobilized in y2o to extend this affective field beyond the nine screens into the physical exhibition space.

[ Déploiement ]
Cette installation vidéo en neuf mouvements présentés sur autant d’écrans adjacents explore les méandres de l’affect amoureux à travers la danse de deux corps dans un bassin d’eau dont la toile de fond varie. En chorégraphiant ainsi le déroulement d’une relation amoureuse, de l’enivrement physique du début à l’émergence réconfortante des liens, puis à la détérioration de la confiance, à la mauvaise communication et enfin au silence et à la dissolution finale, y2o touche à la fois aux joies et aux vicissitudes d’une relation qui se développe dans le temps. En choisissant de chorégraphier la danse dans l’eau, l’artiste associe l’affect à un état fluctuant et immersif, qui se module et se définit selon la gestuelle corporelle et les déplacements qui s’effectuent dans et à travers lui. L’environnement liquide fait valoir une situation créée par les résonances qui se produisent entre les deux corps dans un espace qui tour à tour les unit et les sépare. Autrement dit, ce n’est pas tant que l’affect se trouve à l’intérieur des protagonistes, mais plutôt que ceux-ci sont modulés par lui, tout comme ils sont immergés dans l’eau. C’est la combinaison de cet espace aquatique et des mouvements du corps qui constitue le champ affectif ; et, fait intéressant, c’est précisément l’eau unificatrice qui est évacuée dans le mouvement final de l’installation, intitulé [empty], une séquence qui marque la dissolution de la relation et le retour de chacun dans une sphère individuelle, solitaire. En suivant les inflexions que prend la destinée changeante de ce couple, l’œuvre montre qu’une entité amoureuse peut se désagréger et renvoyer chacun à l’isolement et à la séparation, au fur et à mesure que le champ affectif unificateur perd de sa consistance. Pour créer les autres séries d’œuvres qui composent Dualités, Dominique Skoltz a puisé dans la richesse des tonalités, des rythmes et des intensités mobilisés dans y2o afin de prolonger ce champ affectif au-delà des neuf écrans présents dans l’espace physique de l’exposition. 

 

y2o_dualité - Arsenal Art Contemporain Montréal

© dominique t skoltz

 

 

[ Extending the field ]
The various components of the Dualités exhibition in one way or another serve as relays or resonators of the world unfolding in the y2o video installation. The affective field is thus opened up and expanded through several interconnected entry points. For instance the Face à face [série Dialogues] installation sculpture directly refers to visual elements in the film and more broadly to the centrality of exchange and dialogue. Viewers are here invited in pairs to speak softly to one another through a large hollow metallic structure in the shape of two fused megaphones. In thus activating subjectivity the piece elicits an involvement that experientially positions viewers in an affective field of their own. As a counterpoint and in echo to the moments of the communication breakdown depicted in film, the diptych Collision no 01 [série Dialogues] consists of two images of a megaphone that has been crushed under 20 tons of pressure: a veritable clash of communication. Another work series, Soif [série méduses] (2015) speaks more directly to the sensual and visceral sensations animating the y2o protagonists. For instance, a photograph of  a woman’s high-waist panty which is interlaced with various white coils, evokes the ecstatic side of sensual union as well as the agonies of entangled desire.  It is through these various relay points and their sustained connection with the nine movements of the video installation that Dualités makes affect directly operative within an exhibition that is more than a curatorial assemblage of related works; it is itself a coherent work that can be approached from various vantage points.

[ Extension du champ ]
D’une façon ou d’une autre, toutes les composantes de l’exposition Dualités servent de relais ou de résonateurs au monde qui se déploie dans l’installation vidéo y2o. Le champ affectif se trouve ainsi ouvert et élargi par l’entremise de plusieurs points d’entrée interconnectés. Par exemple, l’installation sculpturale Face à face [série Dialogues] réfère directement aux éléments visuels du film et, plus largement, à la notion centrale d’échange et de dialogue. Les spectateurs sont ici invités deux par deux à se parler doucement par l’entremise d’une imposante structure métallique qui se présente sous la forme de deux immenses mégaphones soudés l’un à l’autre. En faisant appel à la subjectivité des spectateurs, l’œuvre provoque de leur part une implication qui, sur le plan expérientiel, les positionne dans leur propre champ affectif. Agissant en contrepoint et en écho aux moments de rupture de communication dépeints dans le film, le diptyque Collision no 01 [série Dialogues] consiste en deux images représentant un mégaphone ayant été écrasé par l’impact d’une pression de 20 tonnes: un véritable choc de communication. Une autre série, intitulée Soif [série méduses] (2015), évoque plus directement les sensations charnelles, viscérales qui animent les protagonistes de y2o. Par exemple, une photographie de la culotte taille haute de la femme, à laquelle s’entremêlent de longs serpentins blancs, évoque le côté extatique de l’union sensuelle ainsi que les affres du désir embrouillé. C’est grâce à ces différents points de relais et à leur connexion soutenue avec les neuf mouvements de l’installation vidéo que Dualités fait opérer directement l’affect au sein d’une exposition qui représente bien plus qu’un ensemble d’œuvres réunies selon un processus curatorial : elle est en elle-même une œuvre cohérente, qui peut être abordée de divers points de vue.

Collision no 01 [série dialogues] 2015

© dominique t skoltz

Soif no 04 [série méduses] 2015

© dominique t skoltz

 

 

[ Bringing it all together ]
With y2o and the other works of Dualités, Dominique Skoltz depicts the amorous relation as a fluctuating dance in which the interval between one and the other at first grows closer and than widens again in a shifting field. Rather than perceptually representing this affective process, the artist makes it directly operative through various interrelated aesthetic components of a work that takes on the form of a field with multiple entry points. The result is an experience wherein viewers are at all tines immersed in a space that is permeated by the affectively charged atmosphere generated by the echoes of the couple’s dance of linking and unlinking. In thus embodying and amplifying the rhythms, intensities and resonances of an amorous relationship, the multi-sensorial works of Dualités open up an affective field that is woven together through the many strands that bind two bodies as they affect and are affected by each other not only as a couple but also in relation to others and the world.

[ Tout rassembler ]
Dans y2o, de même que dans les autres œuvres de Dualités, Dominique Skoltz dépeint la relation amoureuse comme une danse fluctuante où l’intervalle entre soi et l’autre commence par se réduire pour ensuite s’agrandir de nouveau au sein d’un champ en mouvement. Plutôt que de représenter de manière perceptuelle ce processus affectif, l’artiste le fait opérer directement par l’entremise de diverses composantes esthétiques interreliées, au sein d’une œuvre qui prend la forme d’un champ doté de multiples points d’entrée. Il en résulte que les spectateurs font l’expérience d’être en tout temps immergés dans l’atmosphère affectivement chargée que génèrent les échos de la danse d’union et de séparation effectuée par le couple. En représentant et en amplifiant ainsi les rythmes, les intensités et les résonances d’une relation amoureuse, les œuvres multisensorielles de Dualités ouvrent un champ affectif tissé à même les nombreux fils qui relient deux corps en train de s’affecter et d’être affectés, non seulement en tant que couple, mais aussi en relation avec les autres et avec le monde.

Face à face [série Dialogues], 2015. Installation en acier / Installation in steel.

© dominique t skoltz

Face à face [série Dialogues], 2015. Installation en acier / Installation in steel.

© dominique t skoltz